mardi 24 mai 2011

Murray

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Murray, un esprit maléfique, passait son temps à errer de victime en victime à la recherche de la vraie terreur, celle qu'on lit dans les yeux, celle qui vous glace le sang.


Lassé de son errance, il prit un jour possession du corps d'un homme et traversa les villes et les campagnes à la recherche de toujours plus de pauvres personnes à terroriser. Même encore bien longtemps après la mort de son hôte, Murray, devenu squelette, semait toujours la terreur. Rien ne pouvait tarir sa soif d'effroi et de carnages sanglants.

Un jour, il croisa sur sa route une petite orpheline. Voyant en elle une proie facile, il s'en approcha discrètement, afin de la suivre, et de savourer le plus longtemps possible la venue de l'instant décisif.
Ce qu'il ne savait pas, c'est que cette petite orpheline possédait un don...

Après plusieurs kilomètres de marche à travers les bois, la petite fille s'arrêta net. Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'elle ne fit volte-face. Elle regarda le squelette qui se tenait face à elle et lui sourit, la tête légèrement penchée sur la droite.

— Tu veux devenir mon ami ?

Murray, qui n'avait pas été habitué à ce genre de réactions, en fut déstabilisé. Il ressentit pour la première fois toute sortes d'émotions et une vague de frissons qui remonta le long de sa colonne vertébrale. Ce n'est pas ainsi qu'il doit en être ! En colère, Murray fit son rire le plus démoniaque et effroyable que possible, tout en se penchant au dessus de l'orpheline.

— Hi hi hi hi ! Tu pourrais presque faire peur à mon nounours !

Sur ces mots, la petite fille lui attrapa la main et repris sa marche dans les bois. 

— Viens, je vais te montrer quelque chose.

Complètement désemparé, Murray n'avait plus d'autre choix que de suivre la fillette. Après quelques minutes de marche, elle s'arrêta devant une cabane en mauvais état, située au fond d'une clairière, encadrée par deux grands chênes. Elle tendit son doigt en direction de la cabane et sourit à Murray.

— C'est là que j'habite, je vais te présenter mon papa et ma maman.

La cabane était minuscule et ne possédait qu'une seule fenêtre. Elle n'avait pas dû être entretenue depuis au moins vingt ans. De la mousse avait envahi le toit, et des champignons colonisaient certaines planches. On pouvait sentir une légère odeur de moisissure et d'humidité. La porte émit un grincement digne des maisons hantées lorsque la petite orpheline l'ouvrit. Elle invita Murray à entrer.

L'intérieur de la cabane était simplement meublé : une vielle table bancale, un banc fait d'une planche posée sur deux rondins d'arbre, une étagère vide, un vieux matelas tâché et poussiéreux posé à même le sol dans un coin sombre de la pièce. Un drap sale couvrait un petit muret.

A la découverte de cet endroit, Murray se sentait bizarre. Il ressentait comme un soulagement, une sensation d'être léger comme l'air. C'était comme s'il avait toujours vécu là. Lui qui n'avait connu que la colère et la haine, il était désemparé... mais il se sentait tellement bien...

La petite orpheline se dirigea vers le muret couvert du drap.

— Je suis sûre que tu vas trouver que mon papa et ma maman sont gentils.

Elle souleva le drap et laissa ainsi apparaître deux crânes posés sur le muret.

— Je te présente ma maman, à gauche, et mon papa, à droite.

A la vue de ces derniers, Murray vacilla. Son esprit était perdu, il fut incapable de réfléchir ni de réagir. Puis, pour la première fois de sa longue existence, il sourit. Il venait de trouver sa famille. Il était enfin en paix avec lui-même et avec le monde...

La petite orpheline l'avait guéri de tous ses maux. Seule une âme innocente le pouvait.

***


... et sinon, ce sont les deux seuls crânes photographiables sans flash et sans pied dans les catacombes de Paris.